Projet i
Projet i / Pei Lin Cheng
Scénographie : Victoria David
Production : Pei Lin Cheng – La Fileuse
Soutien : Aide à la création et à la recherche de la région Grand Est
Le projet « I » s’articule autour de séries d’autoportraits de 14 dessins (comme la quatorzaine, isolement médical COVID-19). Le but de ma recherche sera l’expérimentation de supports tels que de la feuille de riz qui ressemble à la peau morte ainsi que d’autres supports. Les autoportraits seront constitués par les fragments de corps dessinés avec de l’encre médicale telle que de l’Eosine, de la Fluorescéine ou du bleu de méthylène. Le dessin sera photosensible, il disparaîtra dans le temps.
« I » comme « je » en anglais.
Le projet « I » est d’abord un Autoportrait de l’artiste qui sera représenté par les fragments du corps à partir de photographies ou de dessins réalisés pendant la période de confinement en France et à Taiwan. Etant enfermé dans un espace familial, je dessine « ma vision » de mon corps. Je trace mes membres mobiles qui sont immobiles, je croque mes silhouettes, je forme mes orteils, observe mes postures, je dessine ma mains gauche avec ma main droite, passe du figuratif vers l’abstraction…
« I » comme l’Iode. La solution de l’iode dans de l’alcool donne la teinture d’iode, l’antiseptique cicatrisant universel qui laisse des traces jaunes sombres caractéristiques sur la peau.
De même l’éosine, dont la couleur est rouge, est très utilisée comme colorant pour la microscopie en laboratoire, pour teindre le cytoplasme des cellules, le collagène, les fibres musculaires, les lymphocytes et les bactéries. La Fluoresceine, le vert d’indocyanine dans l’angiographie dont la couleur est jaune ou verte fluorescente ainsi que le bleu de méthylène, le vert de méthyl et le permenganate de potassium… tous ces colorants occupent une place importante dans le domaine médical.
J’empreinte ces encres médicales pour détourner leurs fonctions tout en gardant leur symbolique telle que la réparation et/ou comme révélateur.
Le « I » comme chiffre romain « un ». C’est « un » individu, c’est une personne qui est l’élément d’un ensemble, d’un collectif, d’une « population ».
À partir d’un (I) individu, je reforme le contour, je trace la silhouette d’un corps, ma silhouette avec l’encre médicale sur les différents supports (papier de riz, papier calque, le coton, gaze…) avec une multitude de possibilités que j’envisage, comme par exemple la galette de riz (Les feuilles de riz). C’est une fine feuille translucide préparée à partir de farine de riz et d’eau. Incontournable de la cuisine asiatique, cet ingrédient permet de préparer les nems et rouleaux de printemps…ou bien d’autres choses. Les feuilles de riz en séchant ressemblent à l’épiderme (cellules mortes ou peau morte). L’objet m’a fabuleusement intrigué.
Les autoportraits constitués de 14 fragments vont se multiplier et ainsi passer de l’ « I » (l’individu) au collectif, émergence d’une population, d’une foule d’autoportraits coincés dans leur cellule.
L’usage de l’iode dans l’art:
L’iode joue un rôle fondamental dans la photographie. L’iode avec l’argent sert à fabriquer le sel d’argent, un composé chimique très sensible à la lumière et donc utilisé en photographie. En utilisant les vapeurs d’iode comme agent sensibilisateur sur une plaque de cuivre recouverte d’une couche d’argent polie, la réaction entre l’iode et l’argent produit de l’iodure d’argent sensible à la lumière. La vapeur de mercure agit comme révélateur de l’image avec le principe du développement de l’image latente…
De la manière contraire, le projet « I » est photosensible. Les dessins réalisés avec de l’encre médicale sont sensibles aux radiations lumineuses. Ils sont susceptibles de subir, sous l’action de la lumière, des transformations physico-chimiques permanentes. (Ce sont essentiellement des réactions d’oxydoréduction induites par les rayonnements U.V.)
Ainsi, la lumière fait disparaître l’image du corps dessiné avec l’encre médicale. Ils se créent dans le temps une perte de la couleur, de la trace, de la forme, du
fragment d’image, de la silhouette, de l’identité…et de l’Identité de l’artiste elle-même.
L’identité, thème souvent abordé dans le travail de l’artiste, notamment dans le projet « 99 ». Ce projet de dessin contemporain aborde le thème de l’identité à travers la migration et la rencontre de différentes cultures.
Depuis 2007, l’identité est au cœur de mon travail. Chaque étape de ma création aborde ce sujet de manières différentes. Dernièrement, avec le projet « 99 » j’ai pu réaliser des oeuvres composés de dessins contemporains où le tissu et le fils rouge remplaçaient le crayon. La matière trouve ici tout son intérêt dans la représentation abstraite du questionnement sur l’identité.
Le projet « I » est né pendant ce confinement qui fut pour moi un moment de questionnements sur notre existence sur l’évolution de notre identité, le corps comme élément de départ qui nous emmène vers l’abstraction de l’esprit.